Professeur de droit public, politologue et psychanalyste, Vincent Aubelle est décédé le 13 juillet, victime d’une chute lors d’une randonnée dans les Pyrénées. Paru en 2019 aux éditions Berger-Levrault, son livre « La loi sur le divan » passe le droit au travers du tamis de la psychanalyse. Il dresse un tableau des pathologies dont souffre le législateur français et dont la production porte l’empreinte. Qu’ont à dire ces « plus de 100 000 lois [dont] la plus longue comporte 509 articles. La plus volumineuse occupe 200 pages au Journal officiel de la République française » (quatrième de couverture) ? Que, selon lui, le législateur souffre :
- de boulimie. Le vide législatif lui est impensable.
- de paranoïa. Ce qui n’est pas gravé dans les Tables de la loi est par principe impossible, voire interdit. Et l’Autre est potentiellement dangereux ce qui se traduit notamment par l’éviction du sujet par des réglementations, normes et protocoles tous azimuts.
La loi « est l’expression de nos névroses, perversités et psychoses collectives ». Ou, plus classiquement dirai-je, de nos angoisses.
L’auteur propose des remèdes :
- « la parole du silence ». La loi doit en rester aux grands principes et savoir se taire.
- La durée. Toute loi, si elle peut être perfectible, doit par son essence, être stable.
- La mise à distance du surmoi du législateur, cette instance psychique héritière de l’Œdipe, née de l’intériorisation des interdits parentaux (loi = père = autorité = interdit). L’Etat ne peut tout anticiper et tout contrôler.
Je termine ce billet en citant Montesquieu : « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. » (De l’esprit des lois, Livre XXIX, chap. XVI). Et en partageant les mots qui surgissent en moi en écrivant ce billet : les cris vains de la loi / les écrits vains de la loi.
Je compte revenir dans un prochain article sur les intrications entre la psychanalyse et le droit.