
Lorsque je projette de faire un voyage à l’étranger, il est normal et nécessaire que j’y pense plusieurs semaines à l’avance. Ma carte d’identité est-elle valide ? Y’a-t-il un décalage horaire ? Dois-je faire du change ? Est-il préférable de faire des excursions accompagnées ou de me déplacer en voiture de location ? Les questionnements qui me traversent sont justes puisque je me mets en mesure que ce futur voulu soit le meilleur possible en cumulant plaisir et sécurité. Je suis dans une anticipation juste de l’avenir.
Lorsque je quitte le hic et le nunc (l’ici et maintenant) à partir duquel je me projette, je bascule dans les spéculations anxieuses. J’abandonne la dynamique de l’anticipation juste : un membre de ma famille ne décèdera-t-il pas pendant mon voyage ? Une grève des aiguilleurs du ciel n’aura-t-elle pas lieu le jour de mon départ ? Ne serai-je pas refoulé du territoire pour visa non conforme ? Le bénéfice que je tire de ces questionnements tient à l’assurance que je me donne de ne pas être surpris quand le pire, ou plus précisément « mon pire », se produira. Pour moi, l’intolérable c’est la peur de l’événement à venir et non de l’événement en soi dans la réalisation duquel je me suis inscrit de mon propre chef. Je me métamorphose en machine à penser le pire pour en atténuer les effets lorsqu'il surviendra. Je leurre la peur. Mon anticipation anxieuse se manifeste par une construction, une fixation et une alimentation de scénarios négatifs et un état permanent d’hypervigilance alors que ma juste anticipation devrait s’exprimer par une évaluation réaliste des aléas.
L’anxiété est une caricature de la peur et l’angoisse une caricature de l’anxiété.