Philippe Saboulard
Psychanalyse à Bordeaux

"Parcoursup, ne quittez pas, votre avenir va vous répondre"


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Mercredi 9 juillet, Parcoursup a craché les ultimes résultats de son moulinage quotidien entamé le lundi 2 juin.

Comme dans certains restaurants, le service a été plus zélé qu'à l'accoutumée sans qu’il y ait eu, me semble-t-il, davantage de choix et d’opportunités d’admission que les années précédentes. En fin de compte, plus de mousse que de bière…

Parcoursup, plateforme incontournable du paysage éducatif français des 18-20 ans, est une gare de triage numérique vers laquelle convergent chaque année, au printemps naissant, les projections d’avenir et les espoirs des futurs bacheliers. D’un point de vue psychanalytique, cet outil administratif est un théâtre de l’angoisse adolescente, un dispositif rigide au service d’un désir d’accomplissement se heurtant à l’ordre symbolique de choix imposés.

Au moment où l’adolescent cherche à poser les jalons de son identité future, Parcoursup le contraint à se définir prématurément, à déposer ses préférences, ses "voeux", comme autant d’actes performatifs devant une instance désincarnée toute puissante. Le mot même de "voeu" renvoie à une formulation de désir, mais aussi à une soumission : on souhaite, on espère, mais on ne décide pas seul.

Parcoursup trie, classe, sélectionne, en faisant émerger l’angoisse de castration décrite par Freud : le sujet est confronté à l’impossibilité d’un choix absolu, au deuil potentiel d’un avenir idéalisé soumis à une réalité contingente. Chaque notification, chaque mise en attente, chaque refus, ceci 7j/7 dès potron-minet, réactive les angoisses archaïques liées à la confirmation d’amour parental transférée à l’institution « Education nationale ».

A force de standardiser l’entrée dans l’enseignement supérieur, Parcoursup exacerbe paradoxalement la quête de singularité. L’élève de terminale n’est plus seulement élève : il devient stratège, communicant, technicien de sa propre trajectoire. Il performe son dossier parfois au prix d’un épuisement narcissique.

Cet algorithme d’orientation est un miroir numérique tendu à une jeunesse en transit, tiraillée entre l’injonction de choisir vite et efficacement, et le désir inconscient de s’égarer pour mieux se repérer dans le maquis de ses désirs.


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