
Le mot « pardon » est issu du latin perdonare composé de per (à travers ou complétement) et donare (donner). Ainsi, étymologiquement, pardonner signifie « donner complétement ». Le pardon est donc le don absolu et sans contrepartie de son droit au ressentiment à l’encontre d’une personne dont l’attitude nous a fait affront ou dont l’action nous a meurtri.
Comment reconnaît-on le pardon ? Il se manifeste par sa capacité d’effacer la colère et de tenir à distance le ressentiment. Si je demande à une personne que je pardonne de ne jamais oublier que j’accepte de la pardonner, c’est que je ne suis pas dans le pardon. Si je rappelle à une personne dont les paroles ou le comportement me blessent ou m’offensent à nouveau que je l’ai jadis pardonnée dans des circonstances similaires ou différentes, c’est que je ne l’avais jamais auparavant complétement ou sincèrement pardonnée. Selon le philosophe Vladimir Jankélévitch, un pardon refusé est préférable à un pardon de surface (V. Jankélévitch, Le Pardon, 1967).
Le pardon n’induit ni l’oubli ni la réconciliation.
En psychanalyse, le travail d’introspection consiste notamment à entendre les motivations de l’agresseur et à investiguer le bénéfice qu’il tire de cette posture. La recherche du conflit témoigne souvent d’une peur de ne pas exister aux yeux de l’autre : « Pardonner en psychanalyse c’est surtout et essentiellement ne plus avoir peur de la peur de l’autre. » (Chantal Calatayud, Apprendre à pardonner : l’approche psychanalytique, Jouvence, 2003). Ce travail consiste également, tant qu’on refuse de pardonner, à entendre le lien qui nous unit à celui qui nous a outragé. Pardonner c’est aussi suffisamment s’aimer pour pouvoir dénouer les liens qui m’attachent à l’autre par mon refus de pardon.
Le pardon n’est pas une manifestation de faiblesse mais de lucidité. Il n’est envisageable qu’à l’aune de sa possibilité de pouvoir se pardonner soi-même. Pour le bouddhisme, c’est un acte de sagesse libératrice. C’est en tout cas un travail très difficile et qui n’a rien d’obligatoire.