Philippe Saboulard
Psychanalyse à Bordeaux

Black Freuday ?


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L’argent revêt en psychanalyse une grande importance qui s’exprime dans différentes directions. Il fait l’objet de nombreux écrits (Entre plaisir et réalité : l'argent dans la cure analytique, Jean-Pierre Garcia, Empan 2011/2, n° 82, p. 51-57 ;  La psychanalyse et l’argent, Ilana Reiss-Schimmel, éd. Odile Jacob, 1993, 286 pages).

Je consacre ce billet (!) à quelques réflexions personnelles sans lien particulier entre elles, tendant à faire entendre la certitude de l’importance du paiement par l’analysant à la fin de chaque séance.

- Être psychanalyste est un métier. L’analyste travaille. Il met au service des autres les connaissances acquises par sa formation théorique et pratique et l’expérience tirée de sa propre analyse. Il consacre une partie de son temps de vie à recevoir, écouter et aider ceux qui ont pris la décision de venir vers lui. A ce titre, il perçoit une rémunération. Par principe, toute thérapie gratuite est vouée à l’inefficacité, notamment en raison du sentiment de dette susceptible de s’élever chez l’analysant à un moment ou à un autre de la cure. Cette réalité attendue ne doit évidemment pas exclure ceux qui n’ont pas les moyens de bénéficier d’un accompagnement dont le thérapeute perçoit le profit à venir mais, au contraire, conduire à la recherche d’un accommodement réciproque. Dans le documentaire « Psy, de l’autre côté du divan », diffusé mercredi 18 octobre sur France 2, Ali Magoudi relate l’expérience que tout psychanalyste a vécu : lors d’une rencontre de nature privée, à l’énoncé de sa profession, une personne a saisi l’occasion d’évoquer une situation qui lui pose problème, évocation conclue par le fameux « Qu’en pensez-vous ? » ou « Ca veut dire quoi ? » Ali Magoudi répond que dans la mesure où il n’est pas rémunéré, il n’est pas en activité professionnelle. A mon sens, cette réponse, pour inélégante qu’elle puisse être ressentie, est pertinente. Pour ma part, sollicité dans un contexte identique et à cette même fin, je peux répondre que je n’en sais fichtre rien ou « Et vous qu’en pensez-vous ? », peu m’importe si je passe pour un imbécile. Analyser le rêve d’une personne dont on ne connaît rien d’elle est aussi impossible que, pour un dentiste soigner une dent sans que le patient ouvre la bouche.

- La première séance doit-elle être gratuite ? Cette question récurrente n’appelle pas une réponse dans un sens ou dans un autre. Il n’y a pas de doxa. Cela dépend du contexte et de l’analyste. Pour ma part, je suis à géométrie variable. Mais, sauf à vouloir à tout prix (!) se voir accorder les faveurs d’un potentiel client, la première séance doit être payante, d’une part parce que toute première séance est fondamentale, pour des raisons que je ne développerai pas, d’autre part parce que l’absence de paiement peut faire émerger la pensée que ce qui a été dit est sans valeur, nul, zéro.

- Les séances de psychanalyse ne sont pas prises en charge par la sécurité sociale. Et c’est tant mieux ! « Assurance maladie » pouvant s’entendre par « assurance d’être malade ». Les feuilles de soins papier de jadis comportaient la rubrique à compléter « Nom du malade ». On les appelait parfois par raccourci de langage « feuilles de maladie ». Une assignation, en somme.

- Quelques thérapeutes, a priori le plus souvent non analystes, indexent le coût de la séance sur sa durée déterminée par la capacité d’investissement financier du consultant. C’est scandaleux. La qualité, la densité et la durée d’écoute ne doivent pas être corrélées à la disponibilité financière de celui qui vous accorde la confiance que vous lui accordez. Au restaurant, me demande-t-on de hâter mon temps passé à table au motif que j’ai pris le menu du jour et non le menu gourmand ? Quelle serait ma réaction si face à une incapacité de régler la totalité du coût de la consultation, mon ORL me disait : « Je vous regarde l’oreille gauche ou l’oreille droite ? » Le cabinet d’un thérapeute n’est pas une cabine de peep-show à effeuillage progressif en fonction de la somme investie.

 

PS : un grand merci au membre de ma famille qui m’a soufflé le titre de ce billet !


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