
Je n’ai pas regardé la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris pour des raisons essentiellement morales qui n’intéressent que moi et, éventuellement, mon proche entourage.
Aux premiers instants des festivités, j’ai fait mon jogging. Mon circuit classique qui me permet d’apprécier mes gains d’endurance. Je n’ai croisé aucun joggeur et, constat plaisant, aucun ne m’a cette fois-ci dépassé ! Très peu de voitures également. Une atmosphère paisible.
J’ai toutefois regardé quelques épreuves des jeux paralympiques. Oui, une part de moi apprécie le handisport. Cette attirance tient, je le sens, à un événement de ma vie qui a contribué à ce que, chemin faisant et des années plus tard, je devienne psychanalyste contre toute attente.
Alors qu’étudiant je traversais une période de détresse personnelle et que j’espérais bénéficier du soutien compréhensif d’une universitaire à un moment particulièrement critique, celle-ci m’asséna tout de go : « Quand on est malade, on ne fait pas d’études ». J’ai été psychiquement lacéré par la brutalité surgie de cette bouche pourtant instruite. Comme quoi être (a priori) (très) intelligent, nanti de connaissances intellectuelles et passeur de savoirs, ne préserve pas de la connerie. Me revient en mémoire ce qu’écrivait Montesquieu : « J’aime les paysans ; ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers » (Montesquieu, Œuvres complètes, pensées diverses).
Si la plaie causée par cet événement s’est refermée, j’en garderai toujours la trace. C’est ma « cicatriste » qui est aussi mon poinçon d’authenticité de thérapeute.
J’ai été touché par Aurélie Aubert, championne paralympique de boccia (sport de boules proche de la pétanque pratiqué exclusivement par les personnes en situation de handicap). Elle a obtenu la médaille d’or dès sa première participation aux JO ! A son ultime lancer victorieux, une joie profonde et sincère a explosé dans son visage et rayonné dans son corps affecté. Non pas une de ces exaltations passagères dont nous faisons tous l’expérience à un moment ou à un autre et qui se dissipent tels les ronds concentriques faits par un caillou ricochant dans l’eau, mais une joie spacieuse.
Aurélie Aubert ne me connaît pas et ne lira certainement jamais mon article de blog mais sa joie remplissant son espace corporel et psychique comme l’eau ou l’oxygène se répandent dans tout l’espace possible me touche car me parvient l’écho étouffé de la bouche de jadis postillonnant :
« Quand on est handicapée, on ne fait pas de sport. "