Philippe Saboulard
Psychanalyse à Bordeaux

Tenir sa langue ou être tenu par elle ?


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Au nombre des 38 listes se présentant aux élections européennes du 9 juin figurait la liste Esperanto langue commune.

Au fait, une psychanalyse est-elle possible en esperanto ? Assurément non car l’esperanto n’est ni habité ni traversé par une langue maternelle, ce qui explique d’ailleurs son échec constant. Notre langue maternelle est un macérât dans lequel nous trempons dès notre conception et qui nous imbibe. Chemin faisant et à elle seule, elle nous permet de nous insérer dans l’humanité. La langue fait de nous ce que Lacan nomme un « parlêtre », c’est-à-dire, un « être charnel ravagé par le Verbe » (Lacan, Le Triomphe de la religion, Paris, Seuil, 2005 p. 90). Autrement dit, un corps vivant investi par le langage. Lacan a également créé l’expression « la lalangue », quelque chose fait de langage et de jouissance en même temps.

Le langage articulé s’appelle la parole. C’est elle qui nous prend en analyse. En effet, les vérités sur nous-mêmes surgissent non lorsque nous prenons la parole mais lorsque la parole nous prend, non lorsque la pensée ouvre au mot mais lorsque le mot féconde la pensée.

« Une parole n’est parole que dans la mesure exacte où quelqu’un y croit […] C’est dans cette dimension qu’une parole se situe avant tout. La parole est essentiellement le moyen d’être reconnu. Elle est avant toute chose qu’il y a derrière. » Lacan, Les écrits techniques de Freud, Livre I (1953-1954), séminaire du 16 juin 1954, p. 264

Ce qui se dit dans une analyse se dit dans une langue courante, bien entendre une langue qui court, non une langue internationale conventionnelle. En psychanalyse, c’est la libre association qui prévaut avec son style, ses vérités, ses mensonges, ses fulgurances, ses oublis, ses trébuchements... Un attrape-tout qui conduit au fait que l’on dit plus ce que l’on croit et moins que ce que l’on voudrait.


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